Vivre avec un perroquet handicapé
par Manon Tremblay DMV
Oseriez-vous adopter un perroquet handicapé? Malheureusement, plusieurs personnes répondent non à cette question. Les motivations qui poussent les gens à hésiter varient d’une personne à l’autre. Pour certains, ce sont uniquement des considérations d’esthétique. Un oiseau à la patte ou à l’aile amputée est selon eux moins beau.
Il est dommage qu’encore aujourd’hui la perfection soit si prisée. Il y a aussi ceux qui se demandent si l’oiseau handicapé peut être heureux et avoir une belle qualité de vie malgré ses limites. À cette interrogation, on pourrait répondre que tout dépend du handicap et de sa sévérité. Plusieurs perroquets ayant une ou des limites physiques peuvent avoir une très belle vie si l’on prend la peine d’adapter la cage et l’environnement en conséquence. Cela demande souvent beaucoup de patience et d’ingéniosité, mais le retour d’affection et de reconnaissance de l’animal aidé en vaut grandement la peine. Sachez cependant que la décision d’amputer un oiseau doit être prise après avoir tout fait pour sauver le membre malade. Malheureusement, trop d’oiseaux sont encore aujourd’hui amputés trop rapidement. En cas de doute, n’hésitez pas à demander un second avis.
Plusieurs handicaps se manifestent en très jeune âge et ces perroquets ne sont jamais mis en vente. Ils sont la plupart du temps éliminés. Certains sont plus fortunés. Un bon samaritain accepte de les adopter. Le taux d’adoption de ces individus demeure cependant très bas car peu de gens sont mis en contact avec les oiseaux handicapés. Certains refuges leur donnent une seconde chance, mais faut-il encore qu’ils y soient amenés avant d’être tués. Certes, il ne faut pas mettre un animal dans la misère en voulant qu’il vive à tout prix, mais un oiseau aveugle ou à la patte croche sait très bien s’organiser. Un bec dévié ou des doigts manquants ne nuisent vraiment pas à la qualité de vie. L’évaluation de chaque cas est de rigueur et un jugement solide est nécessaire.
Plusieurs petites misères peuvent survenir chez les bébés oiseaux.
Défauts congénitaux
Ombilic non fermé
Les perroquets possèdent en effet un nombril. C’est par
l’ombilic que l’embryon est attaché au jaune d’œuf, duquel il
tire sa subsistance pendant son séjour dans l’œuf. Le défaut de
fermeture de l’ombilic est rare. Parfois il se manifeste par une
bosse plus ou moins grosse à l’endroit où se trouve normalement
l’ombilic. Dans d’autres situations, les intestins ou des
organes internes sortent par un petit trou dans la peau. Une
correction chirurgicale est possible, mais il faut faire
rapidement. Les petits présentés alors qu’une infection s’est
déjà déclarée ont moins de chances de guérison. Les oisillons
qui reçoivent des soins rapidement ne gardent pas de séquelles.
Condition cardiaque
Un perroquet peut naître avec un cœur malade. Différents défauts
sont possibles, mais souvent le problème est associé à une
mauvaise fermeture de la cloison entre les deux ventricules.
Souvent, la condition demeure inconnue jusqu’à la première
visite chez le vétérinaire. Un souffle est alors entendu à
l’auscultation. Des petites attentions aident l’oiseau malade:
éviter le stress, les exercices violents, la nourriture
contenant du sel. L’oiseau cardiaque peut avoir une très bonne
vie.
Hydrocéphalie
Communément appelée tête d’eau, l’hydrocéphalie est une
affection plus ou moins grave selon son ampleur. Plus il y a de
liquide dans la boîte crânienne, plus l’oiseau est atteint
sévèrement du point de vue neurologique. L’incapacité peut être
modérée (le perroquet demeure fonctionnel) ou peut être totalement
incompatible avec la vie. L’euthanasie demeure parfois la
meilleure solution.
Les yeux
Plusieurs défauts peuvent toucher les yeux: cataractes, minuscules globes oculaires, absence de globes oculaires et même des paupières fusionnées. La qualité de la vision de ces oiseaux varie en fonction du problème. Il est à noter qu’un perroquet aveugle peut très bien vivre et être heureux si son environnement est bien adapté et qu’on évite de le modifier.
Problèmes de développement
Bec mal aligné
Un éleveur expérimenté connaît la bonne façon de nourrir un
jeune perroquet afin d’éviter de créer un mauvais stress sur son
bec. En très bas âge, le bec prend facilement un faux pli.
Parfois aussi, le bec prend une mauvaise courbure sans qu’on
puisse en déterminer la raison exacte. Une règle est cependant
importante à observer: il faut intervenir le plus tôt possible
afin de pouvoir corriger ces défauts plus facilement. Limer et
tailler fréquemment le bec est souvent suffisant pour redresser
le tout. Tant que la corne du bec est encore malléable, de la
physiothérapie douce aide également à corriger la situation. Si
le problème perdure depuis quelque temps et que le bec a
commencé à durcir, il est possible d’installer des prothèses
synthétiques. Certains oiseaux adultes ont une déviation du bec
supérieur qui ne leur cause aucun désagrément. Aucune
intervention agressive n'est alors nécessaire si ce n’est une
taille au besoin.
Écartèlement des pattes
Un nid mal adapté qui permet aux pattes de glisser facilement
prédispose à ce problème. Encore une fois, comme le très jeune
perroquet est très malléable et flexible, ce problème est beaucoup
plus facile à corriger alors que le patient est très jeune.
Plusieurs techniques de bandages et de tractions sont décrites.
Elles sont utilisées en fonction de la sévérité du cas. La
physiothérapie douce peut aussi aider. L’oiseau plus âgé, qui
n’a pas reçu d’attention au moment nécessaire, restera fort
probablement handicapé. Les os et les articulations matures ne
sont plus vraiment malléables. Certains de ces handicaps sont
compatibles avec une existence heureuse à condition que les
perchoirs soient adaptés (plus larges et recouverts de tissu).
La constriction des doigts
La peau recouvrant les doigts peut parfois se contracter et former une constriction en anneau qui entrave la bonne circulation du sang. Le doigt enfle et devient douloureux. Une simple procédure chirurgicale corrige le problème. Négliger de faire traiter cette condition résulte en l’amputation du bout des doigts impliqués. Un faible taux d’humidité ambiant semble être un facteur prédisposant à ce problème.
© Manon Tremblay 2007
Photos
Coquin, psittacus erithacus erithacus, CAJV
Aratinga solstitialis, CAJV
Turquoise, ara ararauna, Christine Cadoux