La perruche moine ou Quaker
par Marie-Ève Perras
Je voudrais tout d’abord dédier cet article à Plume, petite Quaker exceptionnelle avec qui j’ai la chance de partager mes journées et qui ne cesse de me motiver à essayer de la comprendre.
Lorsqu’on parle à des propriétaires de Quaker, on reçoit souvent des commentaires contradictoires au sujet de ce petit oiseau. Certains sont enchantés de leur petit amour sur deux pattes, d’autres n’en peuvent tout simplement plus de vivre avec ce tyran. C’est à se demander s’ils parlent bien du même animal. Qu’est-ce qui fait de ce perroquet l’oiseau des paradoxes? Pourquoi avons-nous de la difficulté à comprendre ce perroquet? Pourquoi la revue Birds USA a-t-elle décerné le titre de perroquet le plus incompris à cet oiseau? Essayons de démystifier tout cela.
Origine du nom
Le Quaker (myiopsitta monachus) est plus communément nommé "Perruche Moine ou Perruche Souris" en français. Pour ma part, je préfère utiliser le nom anglais de "Quaker" car cela met l’emphase sur son origine et sur le fait qu’il est loin de posséder la docilité de la perruche. En effet, le mot "Quaker", qu’on pourrait traduire comme "tremblement", tire son origine du comportement qui est observable chez les bébés de cette espèce. Les bébés Quakers ne font rien de moins que trembler de tout leur petit corps lorsqu’ils sont nourris par leurs parents ou par un éleveur. Ce comportement juvénile est très différent de ce qu’on peut observer chez les autres perroquets. Quelqu’un qui n’est pas habitué de côtoyer cette espèce pourrait croire que l’oiseau est gravement malade. Certains Quakers vont conserver ce langage corporel toute leur vie pour nous indiquer leur contrariété ou pour impressionner leurs adversaires.
Description
Le Quaker n’est pas réputé pour son plumage très coloré. On ne peut pas en dire autant de sa personnalité! La majorité de son corps est d’un vert clair et il a la poitrine et la tête grise. Son bec est de couleur corne et ses plumes de vols sont d’un bleu métallique. Les différentes mutations en captivité ont généré des oiseaux de couleur jaune (lutino) et de couleur bleue; elles sont cependant rares et beaucoup plus dispendieuses. Il mesure en moyenne 29 cm et son poids santé se situe entre 150 et 220 grammes. Il n’y a rien d’humainement observable pour identifier s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle. Sa longévité en captivité est d’environ 30 ans.
Territorialité!?
Un fait intéressant concernant les Quakers et qui en dit long sur leur comportement distinctif est qu’ils sont les seuls perroquets à fabriquer leur nid. Les autres espèces de perroquets vont préférer nicher dans une cavité déjà existante en se contentant d’un arrangement sur place.
Ce comportement de nidification qui est propre au Quaker, fait en sorte que c’est un perroquet beaucoup moins "grignoteur" que les autres perroquets. Il va préférer construire (à sa manière) plutôt que détruire. Cette particularité se traduit également par un besoin incroyable de tout contrôler dans son environnement, qui est, la majorité du temps, sa cage. Je me plais à dire qu’ils font du design d’intérieur! Le Quaker va aménager sa cage à sa façon en replaçant tous les objets qui en font partie, et si on tente de replacer la petite échelle à l’endroit où nous croyons qu’elle devrait aller, le lendemain elle sera de nouveau à l’endroit où le petit Quaker veut qu’elle soit. À quoi bon s’obstiner!
L’ennui est l’un des problèmes les plus fréquents chez nos compagnons ailés qu’on retrouve en captivité. On doit souvent faire preuve d’imagination pour trouver des activités intéressantes pour distraire notre perroquet lors de nos absences. Chez le Quaker, l’ennui est facilement évitable: il suffit de lui procurer bâtons de café, crayons, papiers, cordes, bouts de tissus en coton, petites "branchailles" (bien désinfectées), et il va s’affairer pendant notre absence à confectionner son nid. Le résultat vous surprendra!
Selon les observations faites en nature, le nid d’un Quaker est généralement composé de trois pièces. Une pièce qu’on peut qualifier de chambre à coucher, où les parents vont couver les œufs, une autre pièce qu’on peut qualifier de salon, où les oisillons une fois sevrés vont être logés et une autre qu’on peut qualifier de hall d’entré, d'où les parents vont surveiller et protéger les œufs et les bébés. Ce n’est pas pour rien que nos charmantes petites boules de plumes vertes agissent en petit tigre lorsqu’on approche de leur territoire, leur cage! Les femelles sont en général plus protectrices que les mâles. Les Quakers développent facilement un comportement de défense envers tout ce qui approche leur territoire. Il n’est pas rare d’observer un Quaker qui va littéralement foncer pour chasser tout intrus qui pénètre dans son environnement, l’intrus pouvant être un simple nouveau jouet ou encore un de vos invités. Le Quaker est souvent perçu comme un oiseau qui n’a pas peur, mais en réalité, pour défendre son nid, il est prêt à risquer sa vie. Ce trait de personnalité est extrêmement dangereux pour sa sécurité. Il n’est pas rare de voir un Quaker essayer de faire fuir le chien de la famille, ce qui peut devenir fatal pour lui... C’est pourquoi, il est important, dans un contexte de captivité, de prévoir plusieurs aires de jeux pour ne pas que le Quaker devienne trop territorial envers sa cage.
Dans la nature, les Quakers vivent en grandes bandes (plus de 100) et chaque couple va construire son nid à partir de celui des autres, ce qui finit par créer un "bloc d'appartements" de nids très volumineux. Cette particularité fait en sorte qu’en captivité, le Quaker va facilement accepter les autres oiseaux en autant que chacun respecte son territoire. On a également pu observer que les Quakers vont permettre à d’autres espèces, telles les chauves-souris, de partager cet immeuble de nids..
Facultés langagières
Une étude conduite par Enrique H. Bucher, J. L. Navarro et M.B. Martella sur les Quakers dans leur habitat naturel a permis de démontrer que ces derniers communiquaient véritablement entre eux. Le fait que plusieurs couples partagent le même "immeuble" rend la communication essentielle entre eux pour s'identifier et se prémunir contre les prédateurs. L’étude a pu identifier onze types différents de vocalisations.
Chacune de ces vocalisations générait un comportement particulier chez les autres membres du groupe. Il n’est donc pas surprenant que le Quaker soit très doué pour apprendre le langage humain et qu’il soit aussi capable de l’utiliser dans le bon contexte. Le magazine "Bird Talk" l'a classifié parmi son top 10 des meilleurs parleurs dans son édition de juin 1995. Cependant, ce besoin inné de devoir communiquer avec son groupe social le rend aussi très bruyant, surtout s’il est en présence d’autres Quakers.
Autres traits de personnalité
Le petit Quaker est un oiseau très grégaire, interactif, qui veut constamment faire partie de l’action. C’est un animal extrêmement intelligent qui apprend constamment de nouvelles choses. Par conséquent, il est aussi un oiseau qui va facilement devenir anxieux si on s’absente pour une longue période. Il est aussi réticent aux changements et semble plus difficile d’adaptation que les autres perroquets. Le Quaker est un oiseau très sensible qui va facilement développer des stéréotypies ainsi que comportements d’anxiété tels, le picage. Il est important lorsqu’on vit avec un Quaker, d’avoir du temps à lui consacrer et de lui enseigner des formules de prévisibilité pour éviter que notre petite boule de plume ne développe ce genre de comportement aberrant. De plus, c’est une espèce d’oiseau qui a un foie fragile: une diète trop grasse peut également résulter en comportement de picage. Mieux vaut prévenir que guérir!
Le Quaker est un perroquet très empathique qui réagit à nos humeurs et à nos comportements verbaux et non verbaux. Par exemple, je me souviens d’une soirée de poker avec des amis où Plume, ma petite Quaker qui était très confortablement positionnée sur mon épaule pour faire partie du groupe, se mettait à rire chaque fois que j’obtenais le moindrement un bon jeu. Elle interprétait, tout simplement mon langage corporel avant même que je puisse faire monter la mise. Rien ne sert de vous dire que je me suis fait plumer!
Le Quaker est réputé pour se lever toujours du bon côté du perchoir. Il est actif, plein de vie, affectueux, comique et il dégage une joie de vivre à laquelle on ne peut résister. Avec toutes les mimiques particulières du Quaker, quelqu’un qui prend le temps d’observer son oiseau va vite se rendre compte qu’il est très facile de comprendre ce que son petit perroquet demande.
Un perroquet, peu importe l’espèce, ne devrait jamais être acheté sur un coup de tête. Le Quaker, malgré son prix abordable et sa grandeur peu imposante, n’est pas un perroquet pour tout le monde. Il a la personnalité et les besoins d’un grand perroquet. Bien socialisé et en présence d’un humain qui comprendra sa différence et ses besoins particuliers, ce sera le parfait perroquet, mais entre les mains de quelqu’un qui n’a pas assez de temps pour lui et qui ne parvient pas à le comprendre, ce sera le pire des tyrans. Beaucoup de Quakers sont abandonnés chaque année par leurs propriétaires; il suffit d’aller sur le site internet de "The Grabiel Foundation" pour constater la grande quantité de Quakers qui attendent pour trouver une nouvelle famille. Je pense qu’ils méritent mieux que ça!
Le Quaker ailleurs dans le monde
Saviez-vous que ces adorables petites boules de plumes sont bannies dans un peu plus de 10 états des États-Unis? C’est en partie pour cela qu’ils se méritent le titre de perroquet incompris dans la revue "Birds USA". En effet, plusieurs Quakers ont été répertoriés vivant en toute liberté dans la nature sur la côte Est américaine depuis 1964. Leur comportement particulier de nidification ayant causé plusieurs dommages aux installations électriques et leur tempérament territorial ayant fait fuir la faune locale, les sociétés de régulation de la faune américaine ont interdit la possession et l’élevage de Quakers dans ces états américains. L’importation de Quakers est également interdite aux États-Unis depuis 1993.
Contrairement aux Aras, pour lesquels la population en liberté diminue en raison de la destruction de leur habitat, celle des Quakers s’est déplacée et élargie vers l’Argentine avec l’expansion des cultures agricoles, les fermes ayant remplacé leur habitat naturel. Ils sont maintenant craints comme la peste par les agriculteurs argentins et sont catégoriquement chassés.
Au Brésil, son pays d’origine, le Quaker est très répandu dans la nature, mais il est aussi gardé en captivité comme animal domestique. Les bébés sont souvent capturés en forêt et vendus pour pratiquement rien dans les marchés publics. En raison de ses facultés langagières, les Brésiliens ont ressenti le besoin d’en posséder un. Il y a même des concours organisés à travers le pays pour trouver qui possède le meilleur parleur!
C’est bien pour dire qu’il n’est pas toujours profitable d’être intelligent!
À la lumière de ces situations mondiales, je considère qu’il est encore plus important de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces petits dragons à plumes puissent vivre encore longtemps et heureux dans nos foyers.
© Marie-Ève Perras 2006
Photos
Billy, myiopsitta monachus, Sylvie
Laroche
Paco, myiopsitta monachus, Stéphanie Duval
Bobec, myiopsitta monachus, Brigitte Chaurest
Paco, myiopsitta monachus, Stéphanie Duval
Billy, myiopsitta monachus, Sylvie Laroche
myiopsitta monachus, Caroline Paré