L’euthanasie démystifiée
par Manon Tremblay DMV
Un client m’a déjà mentionné lors d’une consultation: "Comme mon oiseau souffre d’une maladie incurable et que plus rien ne peut être fait pour lui, je vais le ramener à la maison et le tuer moi-même. Je n’ai pas envie de payer pour l’euthanasie." Il est bien regrettable qu’encore aujourd’hui, les animaux soient considérés par certaines personnes comme de simples biens de consommation. Le respect de la vie semble ne pas exister pour certains. Bien sûr, j’ai entendu toutes les histoires: de la noyade jusqu’au gaz d’échappement de la voiture. Une pharmacienne m’a même déjà contacté pour me demander si l’euthanasie d’un oiseau pouvait se faire en lui injectant de l'alcool à friction intraveineux…
En médecine vétérinaire, nous possédons un privilège précieux qui est de pouvoir mettre fin aux souffrances d’un animal respectueusement et sans douleur. Quand l’euthanasie est pratiquée pour les bonnes raisons, c’est là la plus belle preuve d’amour et de respect qu’un propriétaire peut avoir envers son animal.
En adoptant un perroquet, inconsciemment, on prévoit qu’il serait normal qu’il nous survive. Mais parfois, le destin en décide autrement. Les maladies incurables et les cancers existent chez les oiseaux. Voilà pourquoi, il faut parfois savoir dire au revoir à notre compagnon à plumes plus rapidement que l’on aurait espéré. À ce moment, le vétérinaire devient la personne clef de votre démarche et il s’efforce de rendre ce moment difficile le plus serin possible.
La technique d’euthanasie retenue par les vétérinaires est celle impliquant l’injection de barbiturique (Pentobarbital sodique). Cette substance strictement contrôlée était autrefois utilisée comme sédatif anesthésique ou traitement de certains types de convulsions (par exemple: convulsions secondaires à une intoxication à la strychnine ou à la toxine tétanique). Cependant, avec l’arrivée des gaz anesthésiants (exemple: l’Halotane et l’Isoflurane) et de médicaments anticonvulsivants beaucoup plus sécuritaires, les barbituriques ont presque complètement été délaissés pour ces usages. Maintenant, les barbituriques sont principalement utilisés pour effectuer l’euthanasie humanitaire des animaux non destinés à la consommation.
Le Pentobarbital sodique (Euthanyl) est une solution incolore, sans odeur et au goût amer. Elle se conserve à l’abri de la lumière et à la température de la pièce. Plusieurs vétérinaires ajoutent un colorant dans leur bouteille d’agent euthanasiant afin d’éviter toute confusion possible lorsque le médicament se retrouve dans une seringue.
Bien qu’aucun professionnel de la santé n’injecte quoi que ce soit à un animal sans être absolument certain à 100% de connaître le contenu le la seringue, colorer l’euthanyl diminue le risque déjà presque nul à zéro que la solution euthanasiente soit injectée par erreur. À la vue d’une seringue au contenu rose fluo ou vert forêt, n’importe qui comprend rapidement qu’elle ne contient pas une substance régulière.
Comment fonctionnent les barbituriques?
Les barbituriques sont des dépresseurs du système nerveux central. Ils peuvent provoquer différents niveaux d’altération de l’état de l’animal, en passant par l’étourdissement, le sommeil, le coma profond et la mort. L’effet du médicament peut varier en fonction de l’espèce, de l’âge, de la condition générale et de l’usage concomitant d’autres médicaments. En termes simples, une seule en même dose peut provoquer des effets différents chez différents animaux et j’ai souvent remarqué que certains animaux avaient besoin d’un plus grand volume de barbiturique pour les euthanasier que d’autres. Une fois injecté, l’euthanyl commence par endormir l’animal et tous les muscles se relaxent. Parce que la technique d’euthanasie demande une plus grande dose que la dose anesthésiante, le médicament agira par la suite sur les centres respiratoires et vasomoteurs du cerveau (une fois injecté, ce médicament se concentre rapidement dans le cerveau et au foie). Les mouvements respiratoires diminuent progressivement en fréquence et profondeur jusqu’à ce que le volume respiratoire soit nul. Une fois la respiration cessée, c’est ensuite le cœur qui ressent l’effet de l’injection. Il faut environ quatre fois plus de médicaments pour provoquer l’arrêt cardiaque par rapport à l’arrêt respiratoire. Voilà pourquoi, à mesure que le système de l’oiseau absorbe le médicament, la séquence des événements sera toujours la même: sommeil, arrêt respiratoire puis arrêt cardiaque.
Chez l’oiseau, l’euthanyl peut être injecté intrapéritonéal (dans l’abdomen) ou intraveineux. L’injection intraveineuse est idéalement effectuée chez l’oiseau préalablement anesthésié, car il faut éviter à tout prix que le médicament se répande autour de la veine. Cette situation est très douloureuse pour l’oiseau. L’injection au niveau de l’abdomen n’est pas stressante pour l’oiseau et permet au propriétaire de tenir son animal pour qu’il s’endorme doucement sur lui. Comme la substance est absorbée lentement lorsqu’elle est déposée dans l’abdomen, l’oiseau prendra quelques secondes avant de décéder. Par contre, le décès survient instantanément quand l’injection est faite directement dans la veine.
Le scénario de l’euthanasie vous appartient!
L’euthanasie peut être faite en clinique vétérinaire ou à domicile, certains vétérinaires acceptant de se déplacer pour éviter un stress inutile à l’oiseau. Si vous souhaitez tenir votre oiseau après que son injection ait été faite ou si vous préférez le voir seulement une fois qu’il est décédé, c’est aussi votre choix et il doit être respecté. Certaines personnes préfèrent ne pas voir leur animal décédé, préférant garder comme dernier souvenir l’image de leur oiseau vivant. Toutes les façons de faire sont correctes.
Le décès de l’oiseau est constaté par le vétérinaire en vérifiant ces points:
- La respiration est arrêtée
- Auscultation (le cœur a bel et bien cessé de battre)
- Observation des muqueuses (elles sont bleues)
Certains animaux ont des tremblements musculaires quelques minutes après leur décès. Ce phénomène est naturel et normal et ne veut en aucun temps dire que votre oiseau n’est pas décédé. Une période de raideur (rigor mortis) suit toujours le décès et dure quelques heures. Par la suite, l’animal redevient souple.
Il est impératif que vous disposiez du corps de votre animal de façon très sécuritaire. La quantité de barbituriques utilisée pour euthanasier votre oiseau pourrait tuer un animal s’il le trouvait et le mangeait. Une dose de deux à trois millilitres injectée à un perroquet est suffisante pour tuer un petit chien ou un chat. Vous pouvez donc faire incinérer votre oiseau ou l’enterrer de façon sécuritaire. Ne mettez jamais un animal euthanasié dans les ordures. Laissez-le plutôt chez votre vétérinaire qui verra à le faire incinérer.
Bien que personne n’aime envisager le pire avec ses animaux, il est quand même sage de prendre quelques minutes de réflexion sur la question de l’euthanasie. Si vous aviez à le vivre un jour avec votre perroquet, comment aimeriez-vous que ça se produise? Si vous y pensez avant d’être submergé par la douleur, vous éviterez de prendre des décisions trop rapides sous le coup de l’émotion. Le deuil qui s’en suivra sera certainement un peu plus facile.
© Manon Tremblay 2007
Photos
Jake, lori omnicolor (trichoglossus haematodus haematodus), Marlène Picard
Coco, amazone à front bleu (amazona aestiva), Marianne Huguenin
Perruche calopsitte (nymphicus hollandicus), CAJV
Fiji, perruche ondulée (melopsittacus undulatus), Pascale Phénix