L'automne: la déprime des humains, le répit des oiseaux

par Manon Tremblay DMV

Les perruches calopsittes peuvent pondre de façon chronique.

En ce matin de novembre, Charlotte vient de pondre son 3e œuf! Elle s’affaire à la tâche depuis le printemps. En bonne perruche calopsitte, elle protège sa progéniture imaginaire avec beaucoup d’ardeur en sifflant furieusement quand une main s’aventure dans son territoire pour changer ses bols de nourriture et d’eau. Elle pousse même l’audace à mordre Maryse qui remplace le papier qui tapisse le fond de sa cage. Tout un changement d’attitude pour cet oiseau qui était si doux avant de commencer à pondre.

Cependant, le dernier œuf du perroquet ne ressemble pas tout à fait aux autres. Sa couleur est grisâtre et de fins filaments de sang le recouvrent. En le prenant pour l’examiner de près, il se brise dans les mains de Maryse. Sa coquille fragilisée par le manque de calcification annonce un problème. Les réserves de calcium de Charlotte sont au plus bas. Si la calopsitte persiste à pondre ainsi, elle risque des complications graves comme les fractures et les œufs retenus. Si la grande majorité des accidents impliquant les os ont un bon taux de guérison, il en va autrement lorsqu’un œuf reste coincé à l’intérieur d’un oiseau. Les complications sont beaucoup plus fréquentes. À ce stade, il est important que la petite pondeuse mette fin à ses activités. Mais il n’est pas du tout facile de faire cesser la ponte chez un oiseau dont l’ovaire est très fonctionnel. Quelques solutions s’offrent à Maryse: modifier la photopériode (la longueur des jours), les injections d’hormones ou l’hystérectomie.

La première solution est de loin la plus intéressante, car elle ne comporte aucun risque pour le perroquet. La modification des heures de clarté ne donne pas toujours le résultat escompté (l’arrêt des chaleurs), mais fonctionne assez souvent pour être une solution de première ligne à envisager quand la santé générale de l’oiseau pondeur le lui permet. Une évaluation vétérinaire est, à ce stade, essentielle afin de corriger les petits problèmes s’il y a lieu.

Comment la photopériode influence-t-elle la ponte des oiseaux?

Dans la nature, l’existence d’un oiseau est dédiée à la survie de sa propre espèce. Pour ce faire, il doit choisir la meilleure période de l’année pour élever sa petite famille. La vie de l’oiseau se résume donc en quatre principales activités: manger, se reproduire, muer et survivre jusqu’à la prochaine saison des amours. La reproduction est donc un phénomène hautement structuré. C’est la nature qui envoie au perroquet les signaux nécessaires afin de reconnaître le temps propice pour se reproduire. Plusieurs facteurs externes sont impliqués, les plus importants étant la photopériode et les conditions climatiques. Pratiquement tous les oiseaux répondent à un degré plus ou moins marqué à un changement dans la photopériode. Les oiseaux de climats tempérés voient leurs gonades devenir fonctionnelles lorsque les jours allongent. Les courtes journées de l’automne induisent pour leur part la mue et mettent fin aux fonctions sexuelles. Les espèces équatoriales qui vivent peu de variations dans la longueur des jours au cours d’une année sont surtout influencées par le climat. La saison des pluies amène avec elle l’abondance de nourriture et les oiseaux en profitent pour se reproduire.

Il est surprenant de constater que la photopériode peut avoir tant d’effets sur le métabolisme des oiseaux. Leur horloge biologique enregistre aisément les changements graduels de longueur de jour tout au cours de l’année. La perception et le cheminement de la luminosité dans l’animal sont complexes. C’est tout d’abord le globe oculaire qui reçoit les rayons lumineux. Ils sont alors captés par les cellules photosensibles qui tapissent la rétine et sont dirigés vers le nerf optique qui s’enfonce dans le crâne vers le cerveau. L’hypothalamus (région située entre les deux hémisphères du cerveau juste au-dessous de la glande hypophyse) reçoit la stimulation et relâche une hormone qui informe un autre centre spécialisé dans le cerveau profond. C’est ce centre qui analyse la situation (jour long ou jour court). En présence de jours longs, ce centre envoie un message chimique à la glande hypophyse qui est chargée de produire deux hormones (LH et FSH) responsables de la mise en fonction des gonades (ovaire et testicules). Sous l’action combinée de ces deux hormones, l’oiseau devient apte à se reproduire. Les testicules se gonflent et produisent plus de testostérone, responsable des comportements de territorialité, de séduction de la partenaire (le chant, le plumage nuptial, les parades amoureuses, etc.) et de tout autre comportement sexuel secondaire. L’ovaire de la femelle se met en action et plusieurs follicules se gonflent en préparation de la ponte imminente. Lorsque les jours raccourcissent, l’information reçue par l’ovaire et les testicules est de se mettre au repos.

Le perroquet de compagnie vivant dans la maison n’est plus soumis aux changements graduels de longueur du jour comme les oiseaux dans la nature. L’oiseau est constamment exposé à des journées longues, conséquence de l’éclairage artificiel de nos maisons. Le perroquet n’est donc plus en mesure de vivre un cycle naturel normal. L’horloge biologique de ces individus est ainsi déroutée, ce qui provoque des mues inattendues, prolongées ou même parfois anormales et très sévères (il est normal pour les oiseaux de muer juste avant les chaleurs). Cette exposition à un cycle inadéquat cause aussi chez certains individus des pontes inopportunes ou excessives en plus d’être responsable de la dégradation de la santé générale. La solution pour rendre la vie de nos oiseaux plus facile ne passe pas nécessairement par la reproduction fidèle des conditions de luminosité naturelles rencontrées en nature, mais en l’établissement d’une routine stable. Pour le perroquet qui n’est pas déjà en chaleur, il suffit de lui permettre de dormir de 10 à 12 heures par nuit. Déposer une couverture sur la cage est intéressant. Elle procure l’intimité nécessaire. Bien chanceux est l’oiseau à qui on offre en plus la possibilité de dormir dans une chambre privée et sombre, loin de toutes distractions. Les petits volatiles s’adaptent rapidement et facilement à un tel rythme de vie. Ils deviennent moins stressés et sont plus en forme. Les oiseaux aiment définitivement ce genre de routine.

Modifier la photopériode pour changer les comportements de la perruche ou du perroquet.

Comment modifier la photopériode pour aider Charlotte?

Même si en novembre les jours sont courts et que le temps est gris, Charlotte vit une situation de jours longs dans la maison. La calopsitte vit au rythme de Maryse qui se lève tôt et se couche tard. L’éclairage artificiel mime parfaitement la longueur des journées d’été. Afin de mettre fin à la ponte de sa perruche calopsitte, Maryse lui fait vivre des jours de huit heures de clarté pendant deux semaines. La routine doit être stricte : lever et coucher à la même heure (exemple: lever à 8h00 et coucher à 16h00). Aucune lumière secondaire (veilleuse, téléviseur, etc.) n’est permise pendant la phase de repos. La noirceur totale est très importante. Au cours des deux semaines de "cure de sommeil", Charlotte s’est graduellement désintéressée de ses œufs et sa gentillesse est revenue ainsi que son énergie. Les deux semaines de seize heures de sommeil peuvent être répétées au besoin, au moment où l’oiseau commence à démontrer des symptômes de chaleur. De cette façon, il est bien souvent possible d’éviter une ponte. Pour les femelles qui mettent leur santé en danger en persistant quand même à produire des œufs en excès lorsque soumises à des journées courtes, il reste la possibilité d’envisager l’administration d’hormones ou de procéder à l’hystérectomie.

Note:

Il est possible de soumettre un perroquet mâle en chaleur devenu macho et agressif au même type de photopériode. Plusieurs retrouvent leur bon caractère lorsque le niveau de testostérone diminue. La technique est aussi efficace pour diminuer ou enrayer le comportement qu’ont certains oiseaux de nourrir un jouet ou un objet favori en le couvrant d’une grande quantité de graines régurgitées.

Contrairement aux humains, les oiseaux vivent la transition automnale plus sereinement. Le changement de luminosité naturelle provoque chez plusieurs personnes une déprime saisonnière (humeur maussade, fatigue et déprime). L’exposition quotidienne à une source lumineuse artificielle, blanche et intense s’avère un traitement efficace.

Pour les oiseaux, l’arrivée des journées courtes leur indique qu’il est temps de prendre un repos bien mérité jusqu’à la prochaine saison de reproduction.

 

 

© Manon Tremblay 2005

 

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Photos
Perruche calopsitte (nymphicus hollandicus), Marie-Christine Boesemman
Lionel, perruche calopsitte (nymphicus hollandicus), Mimi Métal