L’athérosclérose chez les perroquets
par Manon Tremblay, DMV
Coco est un amazone de trente ans qui aime bien sa vie d’oiseau de compagnie. Ses journées sont remplies d’activités toutes plus intéressantes les unes que les autres. Cependant, ce qu’il préfère par-dessus tout, c’est manger et voler.
Sa routine quotidienne est très bien établie. Line découvre sa cage tôt le matin, elle ouvre la porte puis Coco va se percher sur le dessus de sa cage. Il s’étire soigneusement les ailes puis les pattes et il replace ses quelques plumes froissées. Une fois sa gymnastique et sa toilette matinale complétées, il étire son cou afin de voir ce que Line cuisine. Il n’est pas du tout surpris de constater que les œufs brouillés sont au menu du petit déjeuner encore ce matin. Il en mange presqu’à tous les jours. Ses pupilles se contractent de contentement. Après quelques vocalises, il s’envole sur l’épaule de Line qui vient tout juste de prendre place à la table avec les autres membres de la famille.
Bien qu’une assiette remplie de fraises et de kiwis soit placée près du plat d’œufs, les fruits ne l’intéressent pas du tout. Coco a l’habitude de choisir lui même ce qu’il veut bien manger. On ne lui en impose pas. Il s’étire vers les œufs. Il en veut et pas question qu’il passe son tour. Sa portion d’œuf mangée, il demande son morceau de fromage, puis il grignote quelques morceaux de céréales.
Évidemment, Coco s’invite aussi au repas du midi et pour le souper. Sa satisfaction culinaire atteint son paroxysme lorsqu’il a la chance de manger des croustilles ou toute autre gâterie pour humain. Coco est définitivement gourmand et son tour de taille en témoigne.
Mardi dernier, Coco, heureux de voir les enfants rentrer de l’école, commença à vocaliser bruyamment comme à son habitude. Il s’envole dans le grand salon puis dans un fracas terrible, il atterrit derrière la grande chaise. Line n’eut que le temps de le prendre dans ses mains avant qu’il ne rende son dernier souffle. Coco venait de rendre l’âme sans que personne n’ait pu se douter que quelque chose se préparait déjà depuis un certain temps.
L’autopsie effectuée sur Coco indiqua qu’il était décédé d’un malaise cardiaque secondaire à la présence de lésions d’athérosclérose au niveau de son aorte.
L’athérosclérose est une pathologie commune des vaisseaux sanguins des oiseaux gardés en captivité. Elle touche le plus souvent le gris d’Afrique, l’amazone (surtout l’amazone à front bleu) et le cacatoès. Chez ces oiseaux, la condition est normalement modérée. Cependant, la situation se gâte pour les vieux amazones obèses et les vieux aras. Chez ces individus, l’atteinte des vaisseaux sanguins par l’athérosclérose peut être tellement sévère qu’elle a été souvent associée à des décès subits sans qu’aucun signe avant-coureur de la maladie n’ait pu être remarqué.
Chez les oiseaux, les lésions d’athérosclérose se retrouvent principalement au niveau de l’aorte et des artères situées près du cœur. La maladie rend les artères rigides (elles sont souples normalement) et le cœur doit forcer plus pour y pousser le sang. Avec le temps, le cœur se fatigue et des complications d’origine cardiaque surviennent. Comme la maladie est progressive et insidieuse, elle est le plus souvent découverte lors d’une autopsie. Il est excessivement rare que l’athérosclérose soit diagnostiquée du vivant de l’oiseau. Cependant, certains oiseaux malades démontrent parfois quelques symptômes généraux : léthargie, tremblements, paralysie des pattes, cécité soudaine, perte d’équilibre, convulsions, intolérance à l’exercice, essoufflement anormal, difficultés respiratoires. Ces symptômes sont malheureusement non spécifiques et peuvent être associés à d’autres pathologies. Comme ce fut le cas pour Coco, une mort subite sans préavis survient souvent avec cette maladie. Une défaillance cardiaque ou un accident vasculaire cérébral en sont la cause.
Une étude effectuée auprès d’amazones et de gris d’Afrique a permis de mieux caractériser cette condition chez les oiseaux. Certains facteurs de risque pouvant être associés à l’apparition d’athérosclérose ont également été identifiés. L’hypercholestérolémie en est un. Tout comme chez les humains, une grande quantité de cholestérol sanguin est grandement néfaste pour la santé des vaisseaux sanguins. L’obésité, le manque d’exercice ainsi qu’une mauvaise alimentation semblent également jouer un rôle significatif dans l’apparition de cette maladie.
Le taux de cholestérol sanguin est grandement influencé par le contenu en matières grasses et en acides gras de la diète. Chez les oiseaux mangeant beaucoup d’aliments contenant une grande proportion de cholestérol (beurre, viandes grasses, etc.), il est raisonnable de penser qu’ils auront éventuellement un taux de cholestérol sanguin élevé. Cependant, l’hypercholestérolémie peut toucher les individus qui mangent très peu de mauvaises choses. Dans ces cas, il est fort possible que leur alimentation ne contienne que très peu d’acide alpha-linoléique (oméga-3). Dans une étude effectuée auprès de différents perroquets, les chercheurs ont constaté que les individus non touchés par l’athérosclérose avaient consommé beaucoup plus d’acide linoléique (oméga-3) que les autres. Cet acide gras semble définitivement avoir un effet anticholestérol significatif.
Comme il n’existe aucun traitement efficace pour traiter l’athérosclérose, la prévention est fortement recommandée. Les facteurs prédisposant à la maladie étant l’obésité, la consommation d’aliments gras et le manque d’exercice. Alors, pensez-y à deux fois avant de faire tailler les plumes de vol de votre oiseau, voler est de loin le meilleur exercice pour lui. De plus, éliminez le plus possible les aliments trop gras de sa diète et offrez un supplément d’Oméga-3 (Missing link, Avian formula) à votre oiseau.
Pour les perroquets plus âgés, il est fortement recommandé de faire doser leur cholestérol sanguin. Si celui-ci atteint des valeurs inquiétantes, un supplément d’Oméga-3 plus concentré pourrait lui être prescrit.
© Manon Tremblay 2007
Photos
Cracou, amazone à front bleu (amazona aestiva), Stéphanie
Duval
Amazone à front bleu (amazona aestiva), Marlène Picard
Merlin, gris d'Afrique (psittacus erithacus erithacus), Réna
Lelièvre